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Le transfert d'entreprise est une opération courante dans le cadre des procédures collectives et qui soulève, au-delà des considérations financières et stratégiques, d'importantes questions juridiques, notamment concernant le sort des données personnelles des salariés.
Cette problématique, au carrefour du droit du travail et du droit des données personnelles, mérite une attention particulière à l'heure où la protection des informations individuelles est devenue un enjeu sociétal majeur, dont il est impératif d'appréhender les implications juridiques et pratiques lors du transfert de ces données.
Il est remarquable de relever que si le transfert d'entreprise est régi par l'article L. 1224-1 du Code du travail, qui prévoit le maintien des contrats de travail en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur. Ce texte laisse en suspens les modalités de traitement des données personnelles des salariés transférés.
C'est le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) qui encadre le traitement de ces informations. Véritable socle de la protection des données personnelles en Europe, le RGPD impose un ensemble de principes fondamentaux que toute organisation, y compris celles impliquées dans un transfert d'entreprise, doit scrupuleusement respecter.
Ces principes, énoncés à l'article 5 du RGPD, incluent notamment :
Dans le contexte spécifique des relations professionnelles, le RGPD impose notamment des obligations de transparence, de limitation des finalités et de minimisation des données.
"Les États membres peuvent prévoir, par la loi ou au moyen de conventions collectives, des règles plus spécifiques pour assurer la protection des droits et libertés en ce qui concerne le traitement des données à caractère personnel des employés dans le cadre des relations de travail [...]" (RGPD, art. 88, § 1).
Dans le cadre d'un transfert d'entreprise, la base juridique la plus souvent invoquée est l'intérêt légitime du cessionnaire à poursuivre l'activité de l'entreprise cédée.
Toutefois, cet intérêt doit être mis en balance avec les droits et libertés fondamentaux des salariés, notamment leur droit à la vie privée et à la protection de leurs données personnelles
Ainsi, en cas de transfert d’entreprise, les données personnelles des employés, telles que les fiches de paie, les évaluations de performance ou les informations de santé, doivent être protégées conformément aux principes du RGPD, notamment la minimisation des données, la limitation des finalités et la durée de conservation.
Plus directement, conformément aux articles 13 et 14 du RGPD, les salariés doivent être informés des éléments suivants lors du transfert de leurs données personnelles :
La réalité est que, dans une proportion dominante des cas, les salariés ne sont pas informés de ce transfert de données, ce qui constitue une violation des exigences du RGPD.
En effet, malgré le cadre juridique strict, les pratiques en matière de transfert de données personnelles restent souvent lacunaires alors que c’est un enjeu important pour un cessionnaire qui pourrait solliciter un audit dédié afin de connaitre :
Ce d’autant que « tout responsable de traitement ayant participé au traitement est responsable du dommage causé […] » par ce dernier lorsqu’il constitue une violation du RGPD. Dès lors, en cas de reprise d’un traitement vicié préexistant par un nouveau responsable, ce dernier assumera les erreurs de son prédécesseur, ne serait-ce que parce qu’il n’a pas réagi au (x) manquement (s) constaté (s) (RGPD, art. 82).
Sur ce fondement, la Cnil italienne a sanctionné une entreprise cessionnaire à une amende de 1.400,000 € pour absence de consentement des personnes concernées, couplée à une violation du principe de « finalité et de limitation », des violations pourtant perpétrées avant le transfert, sous la responsabilité de l’entité cédée (Ordinanza ingiunzione nei confronti di Douglas Italia S.p.A., 20 octobre 2022).
Il est donc impératif d’intégrer cette question dans le cadre des mandats judiciaires confiées aux AJMJ pour s’assurer des pratiques de gestion des données personnelles avant toute opération de transfert.
On ne rappellera jamais assez que « (…) dans sa mission d'assistance, l'Administrateur est tenu au respect des obligations légales et conventionnelles incombant au chef d'entreprise. » (L 622-1 du Code de commerce).
Cet examen nécessaire permettra d'identifier les éventuelles non-conformités et d'y remédier avant le transfert, limitant ainsi les risques juridiques et opérationnels.
Bien sûr, lors d'un transfert d'entreprise, seules les données strictement nécessaires à la poursuite des relations de travail doivent être transmises au nouvel employeur. Ces données incluent généralement :
Toute donnée non pertinente ou excessive par rapport à ces finalités ne doit pas être transférée.
Au-delà de ce tri délicat, cédant et cessionnaires sont condamnés à s’accorder car, la combinaison des corpus juridiques créée un cadre complexe que les protagonistes, dans une opération de cession, doivent maîtriser pour sécuriser leurs opérations de transfert.
Pour le cédant, il faudra veiller à informer les salariés de manière transparente sur le devenir de leurs données (par exemple sous forme d’une notice d'information pour leur expliquer les modalités du transfert de leurs données et leurs droits)
Pour le cessionnaire, il devra, de son côté :
Reste la question de savoir si l'entreprise cédante peut ou doit conserver une copie des données personnelles des salariés transférés. Si le RGPD ne tranche pas explicitement cette question, deux approches peuvent être distinguées :
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Le transfert d'entreprise, opération complexe aux multiples facettes, exige une attention particulière à la question de la protection des données personnelles. Le RGPD, par son caractère impératif et la sévérité des sanctions encourues, impose une approche prudente et documentée qui impose à :
Pour ce faire, seule l'adoption de bonnes pratiques et la mise en place de procédures rigoureuses permettront de sécuriser ces opérations.