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Dans le prolongement de la loi du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante, la mission d'information du Sénat a souhaité dresser un état des lieux de l'application de ce nouveau régime juridique de l’entrepreneur individuel (EI).
L'IFPPC, fort de l’expertise de ses membres dans l’accompagnement quotidien des entrepreneurs en difficulté, a contribué à cette réflexion en partageant les constats de terrain et les préoccupations soulevées par la mise en œuvre concrète de la réforme.
La loi du 14 février 2022 a instauré, de plein droit, une dualité patrimoniale pour les personnes physiques exerçant en nom propre, en dissociant un patrimoine professionnel d’un patrimoine personnel.
Cette innovation majeure, destinée à renforcer la protection des entrepreneurs individuels face au risque économique, est toutefois largement ignorée des premiers concernés.
Il est unanimement constaté par les praticiens que la quasi-totalité des entrepreneurs individuels ne sont pas informés des conséquences du statut de EI.
Cette méconnaissance est d’autant plus problématique que cette séparation patrimoniale ne produit pleinement ses effets que si certaines obligations sont respectées.
En l’absence d’information adéquate, beaucoup d’entrepreneurs omettent ces formalités, ce qui peut aboutir à une requalification ou à l’inefficacité du régime protecteur instauré par la loi.
L’ouverture d’une procédure collective suppose désormais une double analyse patrimoniale : cessation des paiements pour le patrimoine professionnel, et surendettement pour le patrimoine personnel.
Cette exigence documentée est difficile à satisfaire pour des entrepreneurs souvent mal accompagnés. Les formulaires sont complexes, rarement bien remplis, et les juges doivent fréquemment instruire en audience.
L’article L.526-22, al. 8 du Code de commerce prévoit qu’en cas de cessation de l’activité professionnelle, les patrimoines personnel et professionnel sont réunis.
Cette réunion est automatique, même lorsque l’entrepreneur a cessé temporairement son activité ou sans formalités.
En pratique, cela aboutit à priver les entrepreneurs de la protection que la réforme visait à instaurer.
Le bénéfice du statut de l’entrepreneur individuel suppose, pour certains professionnels, une immatriculation effective.
Pour les professions non immatriculées (professions libérales, agriculteurs), la preuve du premier acte professionnel est souvent incertaine, exposant ces professionnels à une exclusion injuste du régime de protection.
En l’état actuel du droit, la décision d’ouverture ne précise pas toujours si elle concerne le patrimoine professionnel, personnel, ou les deux.
Cette omission crée une insécurité juridique manifeste, tant pour les créanciers que pour les organes de la procédure.
Les mandataires ne disposent d’aucun outil juridique pour demander au tribunal une clarification, faute de mécanisme express dans le code de commerce.
Les créanciers ne savent pas nécessairement s’ils doivent déclarer leur créance au titre du patrimoine professionnel ou personnel.
Les publicités légales ne permettent pas de savoir quel patrimoine est concerné.
Par ailleurs, la question des dettes mixtes, ou des dettes nées avant le 15 mai 2022, complique encore l’analyse.
La notion de bien professionnel repose sur le critère de l’utilité à l’activité.
Cette définition large, issue de l’article L.526-22 du code de commerce, conduit à inclure de nombreux biens à usage mixte, même très faiblement ou anciennement utilisés.
Cela pose un problème majeur d’identification de l’actif concerné, et génère de nombreux contentieux.
L'entrepreneur dispose d'un délai de trois mois pour contester la qualification d'un bien comme professionnel, mais cette procédure est très compliquée et peu adaptée à la réalité des EI.
Alors que le nouveau statut de l’entrepreneur individuel entendait mieux protéger la résidence principale, celle-ci redevient saisissable dans les procédures bi-patrimoniales comme le reconnait la doctrine.
Ce paradoxe génère un sentiment d’injustice et peut conduire à des situations de grande précarité.
Pour autant, dans certains cas, la vente encadrée par la procédure collective peut être plus favorable que les poursuites individuelles, la banque ne cédant par exemple que pour le montant de sa créance.
Depuis la réforme de 2022, l’entrepreneur individuel bénéficie d’une dissociation automatique entre son patrimoine professionnel et son patrimoine personnel. Cette logique, censée garantir une meilleure protection du patrimoine privé, suppose en réalité une double compétence juridictionnelle :
Cette scission entre deux procédures – judiciaire et administrative – induit des effets pervers, comme démontré ci-avant, à rebours des objectifs de simplification et de protection du débiteur.
En particulier, l’IFPPC observe fréquemment des situations dans lesquelles un entrepreneur individuel, ayant fait l’objet d’une liquidation judiciaire de son activité professionnelle, se voit contraint, après clôture, de saisir la commission de surendettement pour traiter les dettes personnelles qui subsistent (souvent des engagements personnels, des dettes fiscales ou bancaires mal qualifiées).
Ce phénomène crée une “double-peine procédurale” :
Cela fragilise les chances de rebond économique, alimente la défiance envers les institutions, et aggrave les inégalités d’accès à une solution de sortie.
Il est donc proposé de permettre à l’entrepreneur individuel de traiter l’ensemble de sa situation économique – professionnelle et personnelle – devant un seul juge, en un seul cadre procédural : le tribunal de commerce ou judiciaire selon la nature de l’activité.
Ce recentrage viserait à :
Créer une disposition législative dérogatoire permettant au tribunal d’être compétent sur l’ensemble des dettes, y compris personnelles, dans le cadre d’une procédure collective ouverte à l’encontre de l’entrepreneur individuel.
Neutraliser la compétence de la commission de surendettement pour les entrepreneurs individuels ayant fait l’objet d’une procédure collective ou se déclarant en difficulté globale.
Maintenir les conditions de bonne foi, d’absence de fraude et de seuils d’endettement adaptés à la nature mixte des dettes.
Un guichet unique : lisibilité, simplicité, accessibilité.
Un réel droit au rebond, débarrassé de la contrainte d’une double démarche.