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Dans le cadre de l’expérimentation des Tribunaux des Activités Économiques (TAE), un nouveau dispositif financier interroge les professionnels du droit économique : la contribution pour la justice économique.
Prévue par l’article 27 de la loi n°2023-1059 du 20 novembre 2023 et précisée par le décret n°2024-1225 du 30 décembre 2024, elle s’applique, depuis le 1er janvier 2025, à toute « demande initiale introduite devant les TAE » lorsque le montant du litige excède 50 000 euros.
Son montant s’élève de 3 à 5 % des sommes en jeu, soit au minimum entre 1 500 € et 2 500 €.
Au-delà des interrogations légitimes des praticiens sur l'égalité des justiciables face à cette contribution, a fortiori dans la phase expérimentale qui ne concerne que douze tribunaux pilotes, et qui fait déjà l’objet d’un recours en raison de son impact sur l’accessibilité à la justice, plusieurs préoccupations pratiques ont émergé.
Parmi celles-ci figurent le risque accru de forum shopping, la tentation de fractionner les demandes initiales pour contourner les seuils d’application, ainsi que les conséquences sur l’engorgement des juridictions économiques.
Le groupe de travail de l’IFPPC, réuni sur ces enjeux, a soumis une série d’interrogations à la Direction des Affaires Civiles et du Sceau (DACS), dont les réponses permettent d’esquisser des lignes directrices, tout en soulignant la nécessité de clarifications complémentaires.
La circulaire du 6 février 2025 émise par le Ministère de la justice, adressée aux juridictions et aux greffes, précise plusieurs points essentiels pour la mise en œuvre de la CJE. On peut notamment y relever :
Ce dernier point nous semble poser difficultés en pratique des difficultés pour certaines entreprises ou personnes physiques.
Répondant aux questions transmises par le groupe de travail de l’IFPPC, la DACS, que nous remercions sincèrement pour son retour, apporte un éclairage utile, en particulier sur deux points complexes : la portée de l’exonération, et l’application de la CJE aux entreprises en difficulté engagées dans un contentieux.
Le 1° du II de l’article 2 du décret prévoit une exonération pour les demandes "formées à l’occasion" d’une procédure amiable ou collective. Cette formule, ni définie par le décret, ni précisée par la circulaire, laissait place à l’incertitude.
La DACS recommande une interprétation fondée sur l’article R. 662-3 du Code de commerce, qui proroge la compétence du tribunal de la procédure collective à toutes les contestations qui en sont l’accessoire ou la conséquence directe. Cette analyse est conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation, qui qualifie comme relevant de la procédure collective toute action née de celle-ci ou soumise à son influence juridique
(Com. 8 juin 1993, n°90-13821).
Sur cette base, la DACS opère une distinction claire :
Exonération justifiée :
Non exonération :
Ainsi, une demande n’est exonérée que si elle relève de la compétence du tribunal de la procédure collective en application de l’article
R. 662-3, critère qui appelle à une grande vigilance dans la rédaction et la qualification des demandes.
L’IFPPC a également interrogé la DACS sur l’assujettissement à la CJE d’une entreprise placée en redressement ou liquidation judiciaire qui introduit un contentieux commercial devant un TAE.
La DACS confirme que l’ouverture d’une procédure collective n’emporte pas exonération, sauf si la demande est directement rattachée à la procédure.
En d’autres termes :
Une entreprise débitrice, en liquidation judiciaire, assignant un fournisseur pour rupture de contrat commercial, devra acquitter la contribution, sauf à démontrer que l’action s’inscrit dans les prolongements directs de la procédure collective.
Cela constitue un obstacle potentiel à l’accès au juge, notamment pour les professionnels judiciaires qui interviennent pour le compte de débiteurs en difficulté. Le groupe de travail de l’IFPPC recommande à cet égard :
Dernier point relevé par les professionnels : l’inégale exigence des justificatifs d’exonération. Certains greffes se satisfont d’une attestation sur l’honneur ; d’autres exigent une production documentaire complète (bilans, pièces fiscales), ce qui complexifie inutilement la saisine.
La circulaire (p. 17-18) tente d’unifier les pratiques en listant les justificatifs attendus, mais l’IFPPC alerte sur la nécessité d’une application homogène et simplifiée sur tout le territoire.
La contribution pour la justice économique, présentée comme un levier de responsabilisation des acteurs économiques, ne doit pas devenir un frein à l’accès au juge, en particulier pour les entreprises les plus exposées aux risques de défaillance.
L’IFPPC continuera à suivre avec attention l’application de cette expérimentation au cours des prochaines semaines.