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Le club de football, une entreprise en difficulté comme les autres ?

Par Alexis DREYFUS, Auteur de « Faillite Football Club »

L’été 2023 fut périlleux pour certains clubs historiques du football français.

Synonyme d’intersaison et de mercato (marché des transferts), la période estivale d’un club de football est également rythmée par son passage devant la DNCG (Direction Nationale du Contrôle de Gestion). Souvent présentée par la presse comme étant le « gendarme financier du football français », la DNCG est notamment instituée par l’article L132-2 du Code du Sport. 

Cet article prévoit qu’« en vue d'assurer la pérennité des associations et sociétés sportives, de favoriser le respect de l'équité sportive et de contribuer à la régulation économique des compétitions, les fédérations qui ont constitué une ligue professionnelle créent en leur sein un organisme, doté d'un pouvoir d'appréciation indépendant, habilité à saisir les organes disciplinaires compétents et ayant pour missions :

  1. D'assurer le contrôle administratif, juridique et financier des associations et sociétés sportives qui sont membres de la fédération ou de la ligue professionnelle ou sollicitent l'adhésion à la fédération ou à la ligue ; 
  2. D'assurer le contrôle financier de l'activité des agents sportifs ;
  3. D'assurer le contrôle et l'évaluation des projets d'achat, de cession et de changement d'actionnaires des sociétés sportives. »

Lors de ces contrôles, la DNCG inspecte donc les finances des clubs en vue d’apprécier « la capacité des clubs à respecter leurs engagements financiers sur la saison à venir » . À cet égard, la DNCG joue un rôle dans la prévention des difficultés des clubs de football français, puisqu’elle va s’assurer que ces derniers sont et demeureront in bonis lors de la saison de championnat. Pour ce faire, la DNCG jouit de pouvoirs étendus et peut prononcer des mesures contraignantes pouvant aller jusqu’à la rétrogradation administrative ou l’exclusion des compétitions à l’encontre du club, dont les éléments comptables et financiers seraient jugés insatisfaisants.

Cet été, plusieurs clubs ont été sanctionnés par la DNCG.

Ce fut, par exemple, le cas de l’AS Nancy Lorraine (ASNL). Le club lorrain, relégué sportivement en National 2 (4ème division) au terme de la saison 2022/2023 en raison de sa 13ème place au classement du championnat de National 1 (3ème division), était sanctionné d’une relégation supplémentaire, soit en National 3 (5ème division), par décision de la DNCG en date du 27 juin 2023. Quelques jours plus tard, l’ASNL obtenait l’infirmation de cette décision et était successivement repêché en National 2 puis en National 1 ! Pour parvenir à cette fin heureuse, l’ASNL a opéré une réorganisation de son actionnariat puisque « fin juin 2023, l’actionnariat de l’ASNL a été consolidé entre deux des propriétaires, Krishen Sud et Chien Lee, qui possèdent désormais presque 100% du club » , mais a également profité… des mesures prononcées à l’encontre d’un autre club pensionnaire de National 1 lors de la saison 2022/2023, le CS Sedan Ardennes (CSSA). 

Contrairement aux Nancéiens, les Sangliers (surnom du CSSA) s’étaient maintenus sur le terrain (7ème de National 1) avant d’être d’abord rétrogradés administrativement en National 2, puis par la suite exclus des championnats nationaux, engendrant une rétrogradation du club en Régional 1 (6ème division), par décisions successives des commissions fédérales de contrôle des clubs et d’appel de la DNCG. Une mesure confirmée par le Comité Exécutif de la Fédération Française de Football (FFF) nonobstant la proposition du CNOSF, saisi par le CSSA, de procéder à un réexamen du dossier, ainsi qu’une mobilisation financière des collectivités et une reprise du club par de nouveaux investisseurs, conditionnées à un repêchage du CSSA par la FFF. Sur le terrain procédural, le club sedanais a alors déposé une requête au Tribunal Administratif de Paris en vue d’obtenir la suspension de la décision l’excluant des championnats nationaux, en vain. Sur le terrain sportif, le CS Sedan Ardennes devrait évoluer en Régional 1 lors de la saison 2023/2024 bien que l’avenir du club demeure incertain.

Si les épisodes nancéiens et sedanais furent « haletants », la palme du « feuilleton de l’été » peut être décernée au FC Sochaux-Montbéliard (FCSM). Le 28 juin 2023, le FCSM, 9ème de Ligue 2 (2ème division) au terme de la saison 2022/2023, était rétrogradé administrativement en National 1 par la DNCG. Une décision confirmée en appel. Face à la crainte d’un dépôt de bilan du club, un projet de reprise fédéré autour de Romain Peugeot, « arrière-petit-fils du fondateur du FC Sochaux », se concrétisait alors sous la condition d’un maintien du club en Ligue 2. 

Cependant, le CNOSF proposait au FC Sochaux de s’en tenir à la décision de la DNCG, puis le Tribunal Administratif de Paris rejetait la requête déposée par le club aux fins d’obtenir la « suspension de l’exécution de la mesure de rétrogradation en Championnat National ? » du FCSM. La mobilisation s’est néanmoins poursuivie pour éviter une faillite du club et des rétrogradations supplémentaires. C’est finalement un autre projet de reprise, mené notamment par Jean-Claude Plessis, ancien Président du FCSM de 1999 à 2008, avec le soutien financier d’investisseurs locaux et de l’association Sociochaux, qui a abouti pour permettre à Sochaux d’évoluer en National 1 et de conserver son statut professionnel.

Un an auparavant, le sort d’un autre club historique du football français, le FC Girondins de Bordeaux (FCGB), avait fait office de « feuilleton de l’été 2022 ». Le FCGB avait opéré une restructuration

financière dans le cadre d’une procédure de conciliation prévue par le livre VI du Code de Commerce. Celle-ci avait été homologuée par jugement du Tribunal de Commerce de Bordeaux en date du 19 juillet 2022 et le club avait, après l’obtention d’une proposition du CNOSF en ce sens, été réintégré par le Comité Exécutif de la FFF en Ligue 2, championnat pour lequel il s’était qualifié sportivement. Il faut dire que l’enjeu est fondamental pour les clubs, puisqu’une rétrogradation à l’étage inférieur a des conséquences importantes : diminution des rétributions issues des droits TV et plus généralement du chiffre d’affaires (par exemple, une diminution de 88% peut être constatée entre les produits « hors mutation » cumulés des clubs de Ligue 1 et ceux de Ligue 2 ), voire perte du statut professionnel selon la division dans laquelle le club est rétrogradé.

En conséquence, la rétrogradation peut être l’élément déclencheur du dépôt de bilan du club… qui va engendrer une nouvelle rétrogradation. En effet, le règlement administratif de la Ligue de Football Professionnel (LFP) et les règlements généraux de la FFF prévoient de rétrograder en division inférieure le club qui ferait l’objet d’une procédure collective. Par exemple, l’article 103 du règlement administratif LFP 2023/2024 dispose que « Le club qui fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire est, au terme de la saison, rétrogradé dans la division immédiatement inférieure à celle pour laquelle il aurait été sportivement qualifié la saison suivante». Outre l’application de cette rétrogradation administrative, la procédure collective du club va également être impactée par les caractéristiques propres aux clubs de football, qui n’en font pas des entreprises comme les autres. 

Il est notamment possible de relever les particularités suivantes :

  • Le « sport roi » (expression désignant le football) déchaîne les passions et est très médiatisé.
  • L’aléa sportif ne facilite pas la mise en place des prévisions comptables et financières nécessaires à l’établissement d’un plan de redressement.
  • La situation des joueurs, qui sont déterminants pour les performances sportives des clubs, est un élément important. D’une part, les joueurs sont salariés des clubs. D’autre part, les clubs disposent de la faculté de pouvoir vendre leurs joueurs (dont les indemnités de mutation sont valorisées à l’actif de leur bilan) en période de mercato. 
  • La structure du club de football se compose nécessairement d’une association support du numéro d’affiliation fédérale et à partir de certains seuils financiers, d’une société commerciale porteuse de l’équipe première ou professionnelle du club. C’est ce que prévoit l’article L122-1 du Code du Sport : « Toute association sportive affiliée à une fédération sportive, qui participe habituellement à l'organisation de manifestations sportives payantes qui lui procurent des recettes d'un montant supérieur à un seuil fixé par décret en Conseil d'État ou qui emploie des sportifs dont le montant total des rémunérations excède un chiffre fixé par décret en Conseil d'État, constitue pour la gestion de ces activités une société commerciale soumise au code de commerce. » Le club peut donc être composé de deux personnes morales, qui peuvent chacune faire l’objet d’une procédure collective. 

L’ouverture d’une procédure collective en faveur de l’une (par exemple, la société commerciale) n'entraîne pas l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre de l’autre (par exemple, l’association), hormis les cas classiques d’extension des procédures collectives en raison de la confusion des patrimoines ou de la fictivité de la personne morale. Toutefois, la dégradation de la situation économique de l’une (par exemple, la société commerciale) peut avoir des effets néfastes sur l’état de santé financier de l’autre (par exemple, l’association). 

Dans ce cadre, il est, par exemple, possible de s’intéresser au Gazélec FC Ajaccio (GFCA). Passé par la Ligue 1 lors de la saison 2015/2016, le Gazélec évoluait en National 3 lorsque le Tribunal de Commerce d’Ajaccio a ouvert le 19 décembre 2022, un redressement judiciaire à l’égard de la SAS du club. Quelques semaines plus tard, une procédure de redressement judiciaire a également été ouverte en faveur de l’association du Gazélec par le Tribunal Judiciaire d’Ajaccio. 

Le schéma ci-après résume la structure du club et les procédures collectives des personnes morales composant le GFCA :

• D’autres articles des règlements de la LFP et de la FFF vont s’appliquer à l’occasion d’une procédure collective d’un club de football. Par exemple, le 3 de l’article 234 des règlements généraux de la FFF prévoit que « Lorsqu'une des entités juridiques d'un club […] fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire, ce dernier entraîne automatiquement la déchéance des droits sportifs du club. Toutefois le Comité Exécutif peut, à titre exceptionnel, décider d'une nouvelle affectation de tout ou partie de ces droits sportifs. » Dans le cadre de la procédure collective du FC Sète 34, club Champion de France en 1934 et en 1939, et qui évoluait en National 2 la saison dernière, cet article a été appliqué. 

Le 6 juillet 2023, le Tribunal Judiciaire de Montpellier a prononcé la liquidation judiciaire de l’association Football Club de Sète. Dans la foulée, le Comité Exécutif de la FFF a décidé d’affecter les droits sportifs du FC Sète au bénéfice d’une nouvelle association dénommée Sporting Club Sétois.

Pour toutes ces raisons, les procédures collectives de clubs de football semblent complexes. Ce sont des dossiers « très difficiles à gérer?» confirme Maître Hélène Bourbouloux, Administrateur judiciaire, au micro de BFM Business. En pratique, comment se déroulent ces procédures collectives ? Les procédures collectives permettent-elles de traiter efficacement les difficultés économiques et financières des clubs?? Des améliorations pourraient-elles être envisagées ? Quel rôle les procédures de prévention peuvent-elles jouer dans ce contexte ? Que révèlent les faillites des clubs de football français ? Quel est l’avenir d’un club en faillite ?

En savoir plus

Des questions auxquelles Alexis Dreyfus répond dans son premier ouvrage « Faillite Football Club » (Editions Spinelle).

Paru le 9 juin dernier, « Faillite Football Club » peut être commandé sur : 

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