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Si les associations représentent en moyenne 541 procédures collectives par an depuis 2018 et 669 hors période COVID19, soit une proportion modeste de l’ensemble des procédures collectives ouvertes chaque année1, il s’agit néanmoins d’un enjeu très important.
L’activité du tissu associatif français représente 113 milliards d’euros (soit près de 4% du PIB2) et emploie environ 11 % des salariés du secteur privé3. La majeure partie de cette contribution économique est réalisée par une minorité d’associations les plus développées. Sur les 1,4 million d’associations composant le tissu associatif français, seules 11 % sont employeuses, lesquelles mobilisent à elles seules 92 % du budget de l’ensemble du secteur associatif4.
Les services rendus à la société par les associations, quelque que soit leur taille, sont d’une valeur considérable pour le lien social : hébergements médicalisés pour personnes âgées et en situation de handicap, aide à domicile, hôpitaux, hébergement social pour enfants en difficulté et foyers de travailleurs, associations sportives, accueils de loisirs des enfants et des jeunes, etc.
Les services rendus à la société par les associations, quelque que soit leur taille, sont d’une valeur considérable pour le lien social : hébergements médicalisés pour personnes âgées et en situation de handicap, aide à domicile, hôpitaux, hébergement social pour enfants en difficulté et foyers de travailleurs, associations sportives, accueils de loisirs des enfants et des jeunes, etc.
Pourtant, les associations sont l’angle mort de la réforme. Le Haut Conseil à la vie associative (HCVA), instance placée auprès du Premier ministre qui est saisie des projets de loi et de décret comportant des dispositions spécifiques relatives au financement, au fonctionnement ou à l'organisation de l'ensemble des associations5, n’a pas été consulté. A la différence de l’organisation adoptée pour les agriculteurs, n’ont pas été institués d’assesseurs issus du milieu associatif. Aucun représentant de ces organisations ne siège davantage ni au comité de pilotage6, ni au comité d’évaluation7 qui ont été constitués. De plus, aucun processus formel de transmission d’expérience entre les magistrats des tribunaux judiciaires, compétents en principe jusqu’alors8, et les TAE n’a été mis en place.
Nous nous proposons de souligner ici, pour les praticiens, quelques particularités saillantes caractérisant les associations, à considérer en matière de prévention (I) ou de traitement des difficultés (II).
Les spécificités sont notables tant en matière de détection des difficultés des associations (I.1) qu’en matière d’analyse de l’information financière produite par les associations (I.2).
Le principe dominant l’organisation des associations est la liberté statutaire9.
Une association, par défaut, n’est pas tenue de tenir une comptabilité.
Pour autant, dans de nombreux cas (notamment pour des questions de contrôle de leurs activités ou des financements alloués), des dispositions spécifiques les y contraignent10.
C’est alors un plan comptable spécifique qui régit les comptes tenus par les associations11.
Cependant, les associations tenues d’établir des comptes ne sont pas toutes tenues de les publier.
Les associations et fondations recevant plus de 153 000 € de subventions en numéraire des autorités administratives ou de dons du public12, ainsi que tous les fonds de dotation13, sont tenus de publier leurs comptes14. Il en est de même des organisations syndicales et professionnelles15.
Cependant ces organismes ne les déposent pas au greffe mais à la direction des journaux officiels16.
Comme les délégués à la prévention des tribunaux de commerce s’appuient sur le greffe, auprès desquels les comptes des sociétés commerciales sont déposés, les délégués à la prévention des TAE organiseront leur accès à ce canal d’information17.
Les associations émettrices d’obligations doivent déposer leurs comptes annuels dans le mois qui suit leur approbation par l’assemblée générale, au greffe du tribunal, pour qu’ils soient annexés au registre du commerce et des sociétés18.
Pour les associations recevant d’une commune de plus de 3 500 habitants une subvention annuelle supérieure à 75.000 € ou représentant plus de 50 % des produits de l’association, les comptes certifiés doivent être transmis à la commune subventionnaire19. Ces comptes sont communiqués à toute personne intéressée qui en fait la demande20.
Si elles emploient des salariés, les URSSAF pourront informer les délégués à la prévention du non-paiement de cotisations sociales. En pratique, les juridictions consulaires échangent régulièrement avec les URSSAF pour détecter les difficultés des entreprises de leur ressort. Les délégués à la prévention des TAE pourront le faire aussi pour les associations employeuses. D’ailleurs, les associations appartenant au domaine de la prévention, les URSSAF peuvent être interrogées dans le cadre de l’enquête suite à la convocation en entretien avec le Président du TAE (article L. 611-2-1 du Code de commerce). Pour les associations astreintes au paiement des impôts taxant les activités commerciales, l’administration fiscale peut, de même, informer les TAE21.
Pour les associations développant une activité économique et satisfaisant aux critères énoncés aux articles L. 612-1 et R. 612-1 du Code de commerce ainsi que pour celles ayant reçu annuellement plus de 153 000 € de subventions (articles L. 612-4 et D. 612-5 du Code de commerce), les commissaires aux comptes aideront à la détection des difficultés en mettant en œuvre la procédure d’alerte22.
Le nombre de procédures de prévention est encore anecdotique23. La culture de la prévention, la connaissance du mandat ad hoc et de la conciliation ne sont pas assez répandues. Gageons que des progrès peuvent être faits, compte tenu de la proportion de liquidations judiciaires directes dans les procédures collectives d’associations24.
Le plan comptable régissant les associations présente des particularités majeures. L’on peut relever deux exemples dont les enjeux sont significatifs pour le financement des associations : les subventions et le résultat.
Les subventions sont une source de financement stratégique pour les associations. L’action sociale, humanitaire ou caritative se voit dotée d’un budget de 25 milliards d’euros, pour un budget moyen par association de 1,2 million d’euros. Ces associations se financent en majorité par des recettes d’activité d’origine publique ou privée : 82 % des ressources pour l’hébergement social et médicosocial et 61 % pour l’action sociale, dans laquelle la part de subventions est plus importante (25 %)25.
Or, le traitement des subventions par le plan comptable des associations présente des particularités qui affectent la représentation que s’en fait le lecteur.
Parmi ces particularités l’on relève le cas des subventions dites « fléchées ». C’est-à-dire que l’usage que leur bénéficiaire peut en faire est limité à certaines affectations. Il s’agit donc d’une ressource affectée, qui ne peut satisfaire que certains besoins en financement spécifiques. Si l’équilibre financier de l’association repose sur une subvention, seul le contrôle des termes de l’acte qui l’a accordée (telle la délibération d’une collectivité locale ou, le cas échéant, la convention de subvention) permet de s’assurer de l’emploi qui peut en être fait. Dans le cas d’une utilisation contraire aux dispositions de l’acte, un remboursement des sommes allouées pourrait alors être exigé par une collectivité locale26. Ainsi en serait-il par exemple de l’usage de la subvention aux fins de faire face aux charges courantes de l’association alors que celle-ci devrait être utilisée dans le cadre spécifique du développement d’un projet particulier27.
Une autre spécificité réside dans la notion de résultats sous le contrôle d’un tiers. Les associations n’étant pas constituées dans le but de réaliser des bénéfices28 ne peuvent distribuer de dividendes. Les résultats, positifs ou négatifs, appartiennent aux fonds propres des associations. Les fonds propres constituent en principe une ressource de financement à long terme. Or, le plan comptable des associations concernées inclut un compte « 115 résultats sous contrôle de tiers financeurs ». Les sommes portées dans ces comptes, déficit ou excédent, ne sont pas définitivement acquises à l’association. Selon la décision d’un tiers financeur, le déficit peut être comblé ou l’excédent appréhendé. Les règles d’affectation proviennent de la règlementation applicable et des décisions du financeur29. Il faut en tenir compte dans l’appréciation de l’indépendance et de la solvabilité de l’association.
Le praticien doit être d’autant plus attentif à ces particularités que certaines associations présentent un compte de résultat structurellement déficitaire. Il en est ainsi dans le secteur sanitaire et médico-social, parce qu’elles pratiquent des tarifications à l’acte ou au temps passé, dont le taux de remboursement est décorrélé de leur structure de coûts. Dans de telles conditions, l’exploitation de l’activité se fait souvent au détriment de l’association, vouée à accumuler les déficits30.
Dans le traitement des difficultés des associations, via des procédures collectives, les rapports avec l’administration sont un enjeu stratégique (II.1). La non-patrimonialisation des fonds propres pour les membres des associations implique aussi certaines particularités dans les termes des plans (II.2). Le sort des dirigeants présente des spécificités notables (II.3).
Créance de subvention et cessation des paiements
La cessation des paiements est une notion cardinale en matière de traitement des difficultés des entreprises. Si elle est survenue il y a plus de 45 jours, elle interdit de recourir à une procédure de conciliation31 et impose de solliciter l’ouverture d’un redressement32 ou d’une liquidation judiciaire33. Même avant l’expiration de ce délai, elle interdit l’ouverture d’une sauvegarde34.
Les associations ne sont pas régies par d’autres règles. Si les critères légaux de l’état de cessation des paiements sont vérifiés, elles ne peuvent pas recourir à une sauvegarde. Passé 45 jours, elles ne peuvent plus solliciter l’ouverture d’une procédure de conciliation mais doivent solliciter celle d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire.
La vérification de l’état de cessation des paiements consiste en un test de liquidité. Avec son actif disponible (actifs liquides tels les soldes créditeurs de comptes bancaires de dépôts, valeurs mobilières de placements) et ses réserves de crédit (découverts et autres crédits-court terme renouvelables non utilisés), le débiteur ne peut pas faire face à ses dettes exigibles ou en d’autres termes, échues35.
En pratique, il est fréquent que des associations tardent à déposer le bilan, non pas seulement compte tenu des conséquences sociales de l’éventuelle cessation de leur activité (que faire si un EHPAD ou une association d’aide à domicile dont dépendent des milliers de personnes âgées ferment leurs portes ?), mais parce qu’elles bénéficient de subventions ou de garanties de l’administration qui, selon leur analyse, devraient assurer leur pérennité.
Or, en principe, les créances de subventions ne font pas partie des liquidités prises en compte dans le test de cessation des paiements. Certes, il peut parfois être estimé qu’elles devaient l’être, dans certaines circonstances36. Ces cas demeurent cependant minoritaires. On conçoit qu’elles y participent dans le cas particulier où leur versement est dû à très brève échéance. Comme toutes les créances, celles de subventions ne constituent pas en principe une composante de l’actif disponible, faute d’équivaloir à des liquidités.
Pour apprécier le caractère disponible d’une subvention, il convient de se référer systématiquement à l’instrumentum de l’attribution de la subvention (convention, délibération, etc.). La créance de subvention peut faire l’objet d’un financement Dailly, mais ce n’est pas systématique, notamment selon l’administration engagée.
Conscient du problème, le législateur a récemment institué une règle protégeant la trésorerie des associations, selon laquelle37 « Le délai de paiement de la subvention est fixé à soixante jours à compter de la date de la notification de la décision portant attribution de la subvention, à moins que l'autorité administrative, le cas échéant sous forme de convention, n'ait arrêté d'autres dates de versement ou n'ait subordonné le versement à la survenance d'un évènement déterminé. »
Cependant, en pratique, il est assez difficile de sanctionner les retards de paiement de l’administration. Cela l’est d’autant plus lorsque l’association dépend de l’administration à divers titres.
L’attention des dirigeants doit donc être appelée sur leurs responsabilités, surtout dans une période où les budgets publics, de l’Etat et des collectivités territoriales, sont sous pression. Cette pédagogie sera d’autant plus vertueuse que de nombreuses associations disposent d’une gouvernance bénévole, s’agissant parfois de personnes retraitées et non professionnelles, ou même de personnes actives ayant une activité principale ne leur laissant que peu de temps pour diriger l’association. Le retard de paiement d’une subvention peut priver une association des liquidités nécessaires au service de sa dette. Or, ce retard n’exonère pas les dirigeants de l’association de déclarer la cessation de ses paiements dans les 45 jours de sa survenance. La procédure d’alerte, ou la convocation par les délégués à la prévention des TAE, pourra être l’occasion de les y sensibiliser.
Aussi, l’ouverture d’une conciliation permettra au conciliateur de sensibiliser l’administration sur les conséquences d’une observation tardive de ses obligations de paiements, en particulier du point de vue social si l’association est liquidée (notamment dans le secteur médico-social, comme évoqué plus haut) puis de formuler ses recommandations sur l’issue à donner à la procédure de prévention. Le dirigeant de l’association ne sera pas seul face au choix de solliciter ou non l’ouverture d’une procédure collective.
Implication de l’administration dans les plans de continuation ou de cession.
La consultation de l’autorité administrative ou de contrôle et de tarification sur le projet de plan de continuation ou l’offre de cession est nécessaire pour certaines associations relevant de la loi sur l’économie sociale et solidaire si le débiteur exerce une activité bénéficiant d'une autorisation administrative, d'un agrément, d'un conventionnement ou d'une habilitation38. En l’absence d’avis de l’administration dans le délai d’un mois, le jugement sur le plan peut néanmoins être rendu.
Plus généralement, le dispositif de cession judiciaire d’entreprise que constitue le plan de cession n’investit pas le Tribunal du pouvoir de transférer des autorisations administratives. Le cas échéant, il incombera au repreneur d’obtenir celles qui lui sont nécessaires.
Des dispositifs spécifiques existent, notamment dans le secteur audiovisuel, où, sur demande du Ministère public et après que ce dernier a obtenu dans le délai d’un mois l’avis favorable de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (« Arcom »), le Tribunal peut autoriser la conclusion d’un contrat de location gérance permettant la poursuite de l’activité par le cessionnaire. Si, au cours de la location-gérance, le cessionnaire n'obtient pas l'autorisation nécessaire de l’Arcom, le tribunal, d'office ou à la demande du commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde ou de redressement, du liquidateur ou du procureur de la République, ordonne la résiliation du contrat de location-gérance et la résolution du plan39.
Principe de responsabilité limitée des membres
Les membres d’association ne sont pas responsables de son passif. Ils peuvent perdre leur éventuel apport, s’il est utilisé pour désintéresser les créanciers.
Le boni d’une association, consistant en l’actif demeurant après dissolution, réalisation de l’actif et paiement du passif, ne peut être transmis qu’à une autre association.
Dans le cas, rare en pratique, où restent des actifs après paiement des créanciers, les membres peuvent reprendre leurs éventuels apports sous certaines conditions mais s’il reste un boni, celui-ci ne peut pas être attribué aux membres40.
Dans la majorité des cas, les statuts de l’association prévoiront sa transmission à un autre organisme sans but lucratif (association, fondation, …).
Nécessité d’une vigilance accrue au sujet de l’engagement en cas de reprise « par le haut » en plan de continuation.
Bien sûr, l’absence de patrimonialisation des fonds propres associatifs pour ses membres n’empêchera pas des rapprochements avec d’autres organisations de nature commerciale ou non, via des apports partiels d’actifs ou des fusions, des cessions à titre onéreux, la filialisation de l’activité déficitaire dans une structure tierce et l’intervention de nouveaux investisseurs…
En revanche, l’apport d’un membre ne peut représenter pour lui une source de gain en capital ou en d’autres termes de plus-value. Les associations n’émettent pas de valeurs mobilières représentatives d’une fraction de capital41, à la différence des sociétés commerciales.
Pour ces dernières, la patrimonialisation des fonds propres constitue un vecteur pour des reprises dites « par le haut », via un plan de continuation. Le besoin en financement de l’entreprise peut notamment être satisfait par un investissement en capital rémunéré par l’émission de droits sociaux permettant une prise de contrôle par l’investisseur « sponsor » du plan. L’investissement en capital, pérenne par nature, fait d’ailleurs partie des éléments objectifs et factuels permettant au Tribunal d’apprécier le sérieux du plan.
Cependant, les fonds propres des associations n’appartenant pas à leurs membres, un écueil à éviter est celui de plans de continuation opportunistes sans engagement suffisant, par des intervenants reprenant la gouvernance de l’association (souvent postes de président et trésorier) en prêtant uniquement des fonds, sans investir en fonds propres42.
Sans suivi étroit par le commissaire à l’exécution du plan, qui sera opportunément prescrit par les termes du jugement arrêtant la cession, et sans un certain nombre d’autres précautions (blocage des prêts soutenant le plan, obligation de laisser dans l’association une trésorerie de sécurité d’un certain montant) l’intervenant pourrait obtenir le remboursement de son prêt, voire appréhender la trésorerie de l’association pour les besoins d’entités qui lui sont affiliées puis se désengager.
Ce genre de procédés est au demeurant susceptible d’être apprécié à l’aune des articles L. 651-2 et L. 653-1 et suivants du Code de commerce en cas de procédure collective ultérieure.
En cette matière aussi, les associations présentent certaines particularités.
Ces particularités concernent la nécessaire qualification préalable d’un pouvoir de direction et de gestion en l’absence d’organes légaux de direction (II.3.1.) et l’appréciation particulière de la responsabilité des dirigeants bénévoles de certaines associations non soumises à l’impôt sur les sociétés (II.3.2).
La loi n’investit pas certains organes associatifs d’un pouvoir de direction ou de représentation. Les dirigeants de droit d’une association sont ceux déterminés par les statuts. Il en résulte, par exemple, que le président d’une association n’a pas le pouvoir de la représenter sauf si les statuts le prévoient43.
Il revient donc au tribunal de vérifier si les pouvoirs dont les statuts investissent telle ou telle personne physique ou morale sont similaires à ceux d’un dirigeant de droit de société commerciale. Par exemple, le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux a estimé qu’un maire ne peut être considéré comme ayant la qualité de dirigeant de droit de l'association des Girondins de Bordeaux (AGB) au motif que le titre de président d'honneur qui lui était décerné ne lui conférait à lui seul aucun pouvoir de direction et de gestion au sein de l'association44.
Quant aux dirigeants de fait, ils sont qualifiés par les juridictions selon des critères similaires à ceux qui sont appliqués aux sociétés commerciales.
Les dirigeants d’association encourent de nombreuses responsabilités : responsabilité civile vis-à-vis de l’association, responsabilité civile pour faute détachable vis-à-vis des tiers, responsabilité pénale de droit commun, responsabilité fiscale de l’article L. 267 du Livre des procédures fiscales, et responsabilité des dirigeants prévue par le livre VI du Code de commerce.
Professions indépendantes soumises à des règles disciplinaires
Les dirigeants d’associations développant une activité libérale soumise à des règles disciplinaires ne relèvent pas du régime d’éloignement des affaires prévu par le livre VI.
Les articles L. 653-1 et suivants du Code de commerce ne sont pas applicables aux personnes physiques ou dirigeants de personne morale, exerçant une activité professionnelle indépendante et, à ce titre, soumises à des règles disciplinaires.
On comprend qu’il s’agit d’appliquer ces règles disciplinaires et de laisser place à ceux à qui échoit la compétence pour cela (notamment des ordres). Il pourra s’agir par exemple de décider une interdiction d’exercer.
Dirigeants bénévoles d’associations non assujetties à l’IS
Selon l’INSEE, les associations s’appuient sur de nombreux bénévoles. En 2018, en France, 170 000 associations sont employeuses et 1,1 million sont non-employeuses. Elles fonctionnent grâce à 2,2 millions de salariés et 21 millions de participations bénévoles, un même bénévole pouvant s’investir dans plusieurs associations45.
Alors que le mandataire du Code civil voit sa responsabilité pour faute appliquée moins rigoureusement lorsque son mandat est gratuit que lorsqu’il est rémunéré46, aucune disposition similaire n’était prévue en matière de procédures collectives pour l’application des actions en responsabilité dans l’insuffisance d’actif ou d’éloignement de la vie des affaires.
Les responsabilités et sanctions prévues par les articles L. 651-2 et L. 653-147 et suivants du Code de commerce étant facultatives, l’on aurait pu estimer approprié que le Tribunal prenne en compte, parmi l’ensemble des circonstances de l’espèce et de son contexte, l’absence de rémunération ; l’investissement d’un dirigeant bénévole dans l’intérêt de l’association.
Cependant, la Cour de cassation avait décidé du contraire, en 2020, en prescrivant l’appréciation de la même manière du dirigeant bénévole et du dirigeant rémunéré48.
L’état du droit semble plus équitable depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2021-874 en faveur de l’engagement associatif. L’article
L. 651-2 prévoit désormais expressément : « Lorsque la liquidation judiciaire concerne une association régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association (…) et non assujettie à l'impôt sur les sociétés dans les conditions prévues au 1 bis de l'article 206 du code général des impôts, le tribunal apprécie l'existence d'une faute de gestion au regard de la qualité de bénévole du dirigeant. »
La nouvelle règle n’est pas étendue aux dirigeants bénévoles d’associations assujetties à l'impôt sur les sociétés dans les conditions prévues au 1 bis de l'article 206 du code général des impôts. On se rapproche de l’état du droit antérieur à 1994, quand les sanctions civiles patrimoniales ne pouvaient frapper que les dirigeants d'association ayant une activité économique49. Nous pouvons y voir le souci de ne pas introduire une distorsion de concurrence au détriment des associations développant des activités économiques. Il ne sera pas possible à leurs dirigeants de ne pas percevoir de rémunération pour bénéficier d’une responsabilité atténuée.
1 Article 26 de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 ; Arrêté du 5 juillet 2024 relatif à l’expérimentation du tribunal des activités économiques.
2 Le PIB 2023 en valeur est de 2 806 milliards d’euros selon l’INSEE (comptes nationaux trimestriels au 30/04/2024).
3 M. Bobel, D. Joseph, Renforcer le financement des associations : une urgence démocratique, Conseil économique social et environnemental (CESE), mai 2024, p. 14.
4 Même source, p.15.
5 Article 63 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire.
6 Article 2 du décret n° 2024-674 du 3 juillet 2024 relatif à l’expérimentation du tribunal des activités économiques.
7 Article 3 du décret n° 2024-674 du 3 juillet 2024 relatif à l’expérimentation du tribunal des activités économiques.
8 Sauf si l’association développe une activité commerciale.
9 Article 1er de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.
10 Notamment :
11 Règlement ANC n°2018-06 du 5 décembre 2018 modifié relatif aux comptes annuels des personnes morales de droit privé à but non lucratif.
12 Articles L. 612-4 et D. 612 -5 du Code de commerce.
13 Article 140, VI, Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie.
14 Articles L. 612-4 et D. 612 -5 du Code de commerce.
15 Lorsque le montant des revenus est supérieur ou égal à
230 000 €, la publicité des comptes et du rapport du CAC est assurée sur le
site internet de la direction de l'information légale et administrative (Art.
L. 2135-5, D. 2135-7 du Code du travail et art. 1 de l’Arrêté du 4 avril 2011
relatif aux conditions de publication des comptes des organismes mentionnés à
l'article D. 2135-7 du code du travail). Lorsque le montant des revenus est
inférieur à
230 000 €, les organisations syndicales peuvent publier leurs comptes annuels
sur leur site internet ou, à défaut de site, en direction régionale des
entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi
(Art. L. 2135-5, D. 2135-8 du Code du travail).
16 Article 1 du Décret n° 2009-540 du 14 mai 2009 portant sur les obligations des associations et des fondations relatives à la publicité de leurs comptes annuels.
17 https://www.journal-officiel.gouv.fr/pages/associations/
18 Article R. 213-24 du Code monétaire et financier.
19 Article L. 2313-1-1, al. 1 du Code général des collectivités territoriales.
20 Article L. 2313-1-1, al. 2 du Code général des collectivités territoriales.
21 Les dispositions combinées des articles 206-1, 1447 et 261-7-1° b du Code général des impôts (CGI) assujettissent les associations aux impôts commerciaux lorsqu'elles réalisent des activités lucratives.
22 Article L. 612-3 du Code de commerce.
23 61 par an en moyenne depuis 2018, 68 hors COVID, selon les statistiques du CNAJMJ.
24 Entre 2018 et 2024, 541 procédures collectives d’associations ont été ouvertes en moyenne, dont 344 liquidations judiciaires directes représentant 64 % du total, selon les statistiques du CNAJMJ.
25 Enquête INSEE situation des associations en 2018.
26 Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 05/07/2010, 308615, Publié au recueil Lebon
27 Il est à noter que certaines libéralités dont bénéficient les associations et constituant parfois tout ou partie de leur trésorerie peuvent également être grevées de charges impliquant un usage spécifique.
28 Article 1 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.
29 Mémento Pratique – Associations – Fondations – Congrégations – Fonds de dotations ; Editions Francis Lefebvre 2022, n° 70500. A titre d’exemple, voir article R. 314-51 du Code de l’action social et des familles pour les associations du secteur social et médico-social.
30 A ce titre, le rapport du CESE précité (p. 46) donne l’exemple de l’ADARPA, une association martiniquaise dédiée à l’accompagnement quotidien des personnes âgées, qui bénéficiait d’un tarif de remboursement inférieur à ses charges d’exploitation – l’association employait notamment 142 salariés. Ce dont il est résulté, après plusieurs années d’endettement, la reprise en plan de cession de l’association dans le cadre de sa liquidation judiciaire. Dans ces conditions, le seul moyen d’éviter le déficit est d’augmenter les tarifs, ce qui les rend moins ou plus supportables pour les personnes dans le besoin.
31 Article L. 611-4 du Code de commerce.
32 Article L. 631-1 du Code de commerce.
33 Article L. 640-1 du Code de commerce.
34 Article L. 620-1 du Code de commerce.
35 Article L. 631-1 du Code de commerce.
37 Un arrêt de la Cour d’appel de Rouen a admis qu’une subvention ayant fait l’objet d’un accord donné par une collectivité locale à une association constitue de l’actif disponible, alors que le déblocage des fonds n’intervenait qu’au cours de l’année suivante (CA Rouen, ch. civ. com., 8 février 2018, n° 16/05964).
38 Article 2 de la loi n° 2021-875 du 1er juillet 2021 visant à améliorer la trésorerie des associations.
39 Article L. 626-2-1 du Code de commerce.
40 Article 42-12 de la Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (Loi Léotard).
41 Article 15 du décret du 16 août 1901 pris pour l'exécution de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association.
42 Les associations exerçant une activité économique peuvent en revanche émettre des obligations dans certaines conditions (L. 213-8 du Code monétaire et financier).
43 Dans le cas des associations sportives, tenues de constituer une société commerciale, la loi prévoit que cette société est tenue solidairement d’exécuter le plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire. Une injection de fonds propres au soutien du plan de continuation peut intervenir via la société commerciale
44 CA Besançon, 11 février 2003, JurisData n° 2003-214207 : l'acte d'appel est nul dès lors que rien dans les statuts de l'association appelante ne prévoit la représentation en justice, de telle sorte que son président aurait dû être spécialement habilité par une décision de l'assemblée générale, ce qui n'est pas le cas.
45 TGI Bordeaux, 4 avril 1996, JurisData n° 1996-612596.
46 Insee Première • n° 1857 • Mai 2021, p. 1.
47 Article1992 du Code civil.
48 Les articles L. 653-1 et suivants du Code de commerce ne sont pas applicables aux personnes physiques ou dirigeants de personne morale, exerçant une activité professionnelle indépendante et, à ce titre, soumises à des règles disciplinaires. Com. 9 décembre 2020, n° de pourvoi 18-24.730 : L'article 1992, alinéa 2, du code civil [Néanmoins, la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui reçoit un salaire.], selon lequel la responsabilité générale du mandataire est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit, ne concerne pas la situation du dirigeant d'une personne morale en liquidation judiciaire poursuivi en paiement de l'insuffisance d'actif de celle-ci sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de commerce, la responsabilité de ce dirigeant s'appréciant, sur le fondement de ce texte spécial, de la même manière, qu'il soit rémunéré ou non.
49 Juris-Classeur commercial SAUVEGARDE, REDRESSEMENT ET LIQUIDATION JUDICIAIRES. – Associations, § 143.